Alors qu’il souhaitait interpeller la direction de son parti pour réclamer un fonctionnement moins centralisé, ce militant dit avoir subi un recadrage en règle, dans le récit qu’il a fait dans un compte rendu et des discussions avec ses « camarades », dont Le Monde a pris connaissance.
Ce dernier avait dans son sac un texte discuté et amendé par les militants rennais et des alentours. Son titre : « Repenser La France insoumise, prendre soin du mouvement, à Rennes et à Paris. » Parmi les revendications : indépendance financière des groupes locaux, instauration d’un mécanisme d’adhésion à LFI aujourd’hui inexistant, demande de pluralisme, d’ouverture… Des doléances fréquentes au sein du mouvement « insoumis », mais qui semblent n’infléchir en rien l’attitude de la direction.
« Discussions en table »
Son témoignage précise la chorégraphie millimétrée d’une « assemblée » qui laisse peu de place à une parole spontanée. Un quart d’heure seulement est consacré aux « remontées des boucles départementales », et les militants sont installés par petits groupes, pour des « discussions en table », excluant un auditoire plus large. Pendant les travaux, le militant breton décide malgré tout de demander la parole pour s’adresser à la salle. Il se lève après le discours de Sarah Legrain, députée LFI de Paris, chargée de la vie du mouvement. On l’aperçoit debout, la main en l’air, sur la vidéo de l’événement : sur l’estrade, le député du Rhône Gabriel Amard enchaîne avec un discours et balaie de la main cette tentative inopportune.
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Un membre du service d’ordre demande alors au militant de se rasseoir. Ce dernier insiste, Sarah Legrain vient le voir. « J’essaye de détendre l’atmosphère en indiquant (…) que ce serait la misère si je n’arrivais pas à lire ce texte car nous souhaitons vraiment le porter à la connaissance de nos camarades », raconte-t-il. Avant de poursuivre : « Sarah Legrain me répond que “ma boucle départementale n’a pas à me demander de prendre la parole à l’assemblée”, que ma requête “détruit notre organisation collective” et que j’essaye de “prendre en otage l’assemblée”. » La responsable finit par lui dire qu’il serait « antidémocratique » de lui accorder cinq minutes à lui et pas aux autres. « Je lui demande donc de me confirmer qu’elle ne me donne pas droit à la parole. Elle me répond que j’ai droit à la parole, mais sur ma table, en désignant ma chaise. »
« Pleurnichards »
Le militant se rassoit. Plus tard, un membre du service d’ordre s’installe à sa table, pour le « surveiller », l’entend-il dire. L’après-midi, Jean-Luc Mélenchon arrive et évoque « certains “insoumis” jamais contents, qui réclament plus de démocratie interne », des « pleurnichards » qui alimentent, selon lui, une cabale médiatique anti-LFI. Une militante présente confirme l’intervention du service d’ordre et ce discours de M. Mélenchon, qu’elle a trouvé « gênant » : « C’est comme s’il avait voulu tuer dans l’œuf toute velléité de critique… », dit-elle.
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A la fin de la journée se tient un vote à main levée sur les deux textes d’orientation discutés, l’un sur le bilan d’activité, l’autre sur la stratégie à venir. Le militant rennais est le seul à voter contre la feuille de route stratégique pour 2024. Sollicitée, Mme Legrain défend une « méthode prévue pour que tout le monde puisse parler » et note qu’un « vote en ligne sur chacun des deux textes permet à tous les “insoumis” de s’exprimer ».
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Mais, contrairement à ce que prétend la direction de LFI, les « pleurnichards » sont de moins en moins minoritaires. Le militant breton a reçu en direct des messages d’encouragement des « camarades » de son département. « C’est intolérable que la FI dénie à tout un département le droit de s’exprimer ! », lui lance un collègue. Un autre s’exclame : « Où est la buanderie ? » Une référence à une phrase de la députée de Seine-Saint-Denis Raquel Garrido, sanctionnée le 6 novembre par le groupe « insoumis » à l’Assemblée nationale, après avoir critiqué M. Mélenchon publiquement. « On me dit de laver mon linge sale en famille. Où se trouve la buanderie ? », interrogeait-elle. La question reste entière.