janco sur le recyclage
Depuis que les problèmes d'environnement sont devenus une préoccupation de (presque) tous les instants, le recyclage est souvent considéré comme essentiel pour contribuer à alléger l'impact de nos activités.
Ce terme a même donné naissance au concept "d'économie circulaire", censée permettre la poursuite d'activités industrielles tout en supprimant le recours à des matières premières prélevées dans l'environnement.
Mais la réalité est, comme toujours, plus complexe. Recycler fait certes économiser de la matière, mais pas nécessairement de l'énergie. Il faut d'abord créer un flux de collecte, d'autant plus important par tonne de matière récupérée que cette dernière est présente en petites quantités unitaires dans de très nombreux objets.
Collecter une tonne d'acier est ainsi bien plus simple en allant chercher une voiture à la casse qu'en cherchant à récupérer des canettes ou des boîtes de pâté vides. Il n'y a que quelques dizaines de grammes de plastique par bouteille, quelques grammes par pot de yaourt ou par sac... et il y a donc une dépense énergétique non nulle pour concentrer ce qui se trouve éparpillé dans l'ensemble des foyers.
Ensuite on peut se heurter à 3 limites en ce qui concerne la matière récupérée :
l'énergie nécessaire pour ce traitement peut être égale, voire supérieure, à celle utilisée pour fabriquer de la matière vierge. C'est par exemple le cas pour le papier (à cause du désencrage), ou pour certains plastiques qu'il faut "désagréger" - en termes techniques cela signifie refaire des monomères à partir des polymères - avant de pouvoir remettre le matériau récupéré dans un process industriel.
l'élément que l'on cherche à récupérer peut être tellement dilué dans l'objet final qu'il faut plus d'énergie pour l'isoler que dans le minerai initial. C'est par exemple le cas pour tous les métaux de spécialité (y compris les "terres rares", qui chimiquement sont des métaux), qui ne sont quasiment pas récupérables dans les objets qui en contiennent ("recycler" l'électronique consiste au mieux à récupérer l'or, le cuivre et l'étain des ordinateurs et téléphones, mais pas le reste).
la qualité du matériau "recyclé" peut ne pas lui permettre les usages de la matière vierge. Par exemple le fer est généralement mélangé à d'autres métaux pour former des alliages, et l'acier issu de recyclage ne permet donc pas les mêmes usages que l'acier vierge. Il en va de même pour certains plastiques ou papiers.
Et il y a enfin - et surtout ? - l'impact "psychologique", rappelé dans ce court billet des Echos : voir "recyclable" sur un emballage nous donne bonne conscience au moment de le jeter, et donc de l'acheter.
Or, pour à peu près n'importe quel objet manufacturé, les émissions de fabrication - un peu abaissées avec le recyclage sans devenir nulles - sont largement supérieures aux émissions de fin de vie. Même si nous avons intérêt à recycler ce qui peut l'être, la sobriété est avant tout moins acheter, et non pas, hélas, mieux jeter.