La Santiag de Montpellier et le Sabot du Trégor
Dans un vieux coffre, un beau matin,
Dormaient côte à côte deux destins :
Une Santiag, fière, luisante, espagnolisée,
Et un Sabot, rustique, un peu usé.
— « Voyez, dit la Santiag, ma ligne et ma tournure !
Je foule les pistes, je brille en aventure.
On me porte aux bals, aux rodéos,
Sous le soleil qui rend les gens beaux.
Et toi, pauvre bois mal dégrossi,
Ton monde s’arrête au bout du pré rassis ! »
Le Sabot sourit, sans dire mot,
Et reprit son somme, tout doux, tout tôt.
Mais vint l’averse, la vraie, la dure,
Celle qui trempe l’âme et les chaussures.
La Santiag, cuir fin, s’en vit toute gonflée,
Et dans la boue, s’enlisa, désolée.
Le Sabot, lui, d’un bois bien sec taillé,
Flotta, glissa, sans jamais se noyer.
Un paysan le ramassa, l’essuya,
Et dans les champs, tout le jour, travailla.