Tout va bien. C'est fou comme les notables savent se protéger.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/03/26/affaire-de-betharram-devant-la-commission-d-enquete-le-recit-des-pressions-subies-par-la-professeure-qui-a-voulu-briser-l-omerta_6586579_3224.html
Françoise Gullung, en poste de 1994 à 1996, a tenté d’alerter les autorités sur les violences commises envers les élèves. Outre le silence de certains responsables, elle a raconté, mercredi, devant les députés, les menaces et les tentatives de la faire taire, jusqu’à son départ de l’établissement.
« Le seul qui m’a répondu, c’est l’évêché », résume Françoise Gullung. Elle est « convoquée » par un responsable de la direction diocésaine qui lui dit « d’oublier tout ça si [elle] veu[t] rester dans l’enseignement catholique ». Parmi ses collègues enseignants, elle décrit le « silence ». Quant au rectorat, elle assure qu’il « ignore complètement » les enseignants du privé, pourtant salariés de l’éducation nationale.
De son côté, elle a « considéré que c’était de la torture et de la barbarie ». Elle donne le numéro 119 pour l’enfance en danger à ses collégiens et leur recommande de raconter à leur famille ce qu’ils subissent. « Je suis devenue immédiatement persona non grata », poursuit-elle. Le surveillant général, appuyé par le directeur Vincent Landel, la « somme » de demander une mutation, ce qu’elle refuse. Au printemps 1996, dans la cour, elle est victime d’une bousculade, qu’elle identifie alors comme une « agression », impliquant le surveillant général et un groupe d’élèves, qui lui provoque des fractures de la face. « Ensuite, dès que je traversais la cour, j’avais des lazzis, on a abîmé ma voiture, on me téléphonait chez moi avec des menaces », énumère-t-elle.
Cette pression en vue d’une mutation trouve un relais déroutant auprès des autorités de l’éducation nationale. C’est quelques jours après l’incident survenu dans la cour qu’est menée, le 12 avril 1996, une inspection diligentée par le rectorat de Bordeaux à la demande, selon ses dires, de François Bayrou. Alors qu’il est censé porter sur de graves faits de violences rapportés dans l’établissement, ce rapport est aussi en partie consacré à Françoise Gullung, pourtant absente de l’établissement le jour du contrôle, dont elle dit n’avoir jamais été informée.
« Vous êtes la personne la plus citée de ce rapport », s’est étonné le député « insoumis » du Val-d’Oise Paul Vannier, corapporteur de la commission d’enquête. L’inspecteur évoque, sur la base des témoignages recueillis sur place, une professeure qui « connaît de sérieuses difficultés », a de « mauvaises » relations avec ses élèves et un « état d’esprit très négatif ». Il recommande que Françoise Gullung « n’enseigne plus dans cet établissement » et affirme qu’elle va demander sa mutation. Selon un document d’archive révélé par Paul Vannier lors de l’audition, le père Landel a, à la suite de cette inspection, échangé par courrier avec le recteur de Bordeaux, André Pouille, sur les « conditions du renvoi » de l’enseignante. Un lien direct avec le rectorat qui renforce les questionnements, au cœur du travail d’enquête des députés, quant à l’inaction de l’éducation nationale durant trente ans dans cette affaire.