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"Habiter un territoire au rythme des saisons, se nourrir de son paysage, transformer ses propriétés en récits, en aquarelles, ou en bonnes bouteilles. Peintre, sculpteur, auteur de bande dessinée, Jean-Marc Rochette partage, avec le vigneron Thomas Finot, de nombreuses affections.
Avec
Jean-Marc Rochette, auteur de bande dessinée, peintre et illustrateur
Pour qui s'est déjà plongé dans ses oeuvres, Jean-Marc Rochette est un homme de l'hiver. Ses bandes dessinées de science-fiction sont aussi frigorifiques que les récits de sa vie quotidienne, nichée à 1600 mètres d'altitude au cœur des Écrins, grand massif montagneux des Alpes françaises. Même trois jours après l'annonce du printemps, la neige l'a poursuivi, il arbore en studio une barbe blanche fournie qui nous prive du panorama complet de son visage et renforce son mystère.
Sur fond de roches ou de béton, il a eu plusieurs vies, de son enfance à Grenoble, de la Vallée du Vénéon où sa mère l'emmène se balader - la première vision des sommets qu'il poursuivra toute sa vie -, au métier de guide de haute montagne auquel il se destine. Deux accidents graves, des chutes de pierre, le blessent et le détournent de l'alpinisme, jusqu'à Paris où il s'essaye à la bande dessinée. Il se trouve alors dans une impasse existentielle et file à Berlin, où il restera dix ans, "la ville de la peinture", pour lui. Tout le travail de Jean-Marc Rochette est traversé par une obsession esthétique récurrente : la grandeur de la montage, ce souffle que lui offre au quotidien le nouveau cadre de vie qu'il s'est choisi.
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La maison d'édition Les Étages, fondée avec sa compagne Christine, publie cette année son nouveau livre, Les Bêtes Blanches, fruit d'une collaboration avec l'écrivain Robert Alexis dont il illustre les poèmes : Dans ce recueil, peintures et poèmes se répondent. La lampe frontale du poète éclaire pour la première fois des toiles oubliées, révèle le juste relief d’un paysage, exhume les mondes enfouis dans les plis de matière. 54 poèmes en fusion complète avec 54 tableaux, 54 shoots de beauté, de sens, d’humanité. Une expérience de lecture saisissante qui s’offre comme un chant du monde sensuel et bouleversant.
Autre porte d'entrée vers son univers, le livre d'entretiens La Chair du monde publié ce mois-ci par Adrien Rivierre chez Allary éditions. L'occasion de revenir sur plusieurs épisodes marquants de sa carrière, notamment la sortie de Snowpiercer en 2013, film mondialement connu de Bong Joon-ho adapté d'une de ses bandes dessinées qui fait de lui une super star en Corée. Ses débuts dans l'écriture aussi, et le récit Au coeur de l'hiver paru l'année dernière qui relate une saison dans les Écrins, privé de tout contact avec l'extérieur. L'aquarelle, le dessin ou les mots, Jean-Marc Rochette ne s'enferme jamais dans un mode de représentation unique, mais on distingue toujours en filigrane ce tout petit homme à la Sempé, debout face à une montagne gigantesque qui lui rappelle sa finitude.
À alpiniste, Jean-Marc Rochette préfère le terme de montagnard, qui plutôt que de désigner une passion ou un sport, embrasse toutes les dimensions de son mode de vie. Thomas Finot, lui, choisit bien plus volontiers vigneron que viticulteur, car il implique, plus largement que la production de vin qui l'occupe, son lien essentiel avec ses terres.
Originaire de Crozes Hermitage dans la Drôme, Thomas Finot découvre le potentiel viticole de la région du Grésivaudan : il est séduit par l'identité de ses terres et ses cépages d'autrefois. Il décide à la surprise générale de s'installer en 2007 avec le Domaine Finot et fait ainsi partie des pionniers de la renaissance de la viticulture en Isère.
Situé à l'est de Grenoble et exposé plein sud, ce terroir méconnu est pourtant riche d'un passé viticole récent. Thomas Finot admire depuis ses fenêtres les variations chromatiques du massif de Belledonne et contemple la Chartreuse depuis ses vignes : "Je retrouve ce toucher et ces couleurs de mon quotidien dans les œuvres de Jean-Marc Rochette."
Il explique comment, à chaque récolte, le risque est rejoué. Chaque année sera plus ou moins bonne et de plus en plus imprévisible car le changement climatique raccourcit les saisons intermédiaires et favorise les pics de chaleur ou de froid, mettant directement en danger ses vignes. Il cherche des solutions naturelles, tisanes et autres décoctions, pour protéger ses raisins. Il s'agit, comme un artiste le ferait à sa manière, de tourner ses efforts vers les bons gestes, de prendre des risques, pour espérer récolter à la fin de la saison le fruit de son travail."